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Verre actualités Le magazine des matériaux verriers décembre 2001 / janvier 2002 - n° 178 Bourg-la-Reine Vitrail : une biennale internationale
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L'Argentine et la Pologne étaient à l'honneur de cette biennale . . . plutôt colorée ! Elle s'est tenue du 13 au 22 octobre dernier en mettant en valeur près de 150 oeuvres de tous horizons.
Philippe Andrieux et son épouse Christiane sont les chevilles ouvrières de cette exposition dédiée aux vitraux. Le président de la Chambre syndicale nationale du vitrail et de l'association "Connaissance du Vitrail" a mis en scène des oeuvres de tous styles et tous niveaux avec un thème fédérateur : les quatre éléments. Cette présentation didactique a également permis de découvrir un atelier vivant, de visionner un film sur le verre et le vitrail et d'assister à la conférence "Du verre au vitrail", animée par le vitrailliste Philippe Andrieux et le scientifique Richard Pascal. Mais l'essentiel était, bien sûr, les oeuvres exposées formant un véritable festival de couleurs. Certains vitraux avaient failli ne pas être de la partie. Des oeuvres polonaises avaient, en effet, été bloquées à la frontière allemande. Il a fallu la ténacité d'une artiste polonaise pour qu'elles arrivent en France, après 23 heures d'autobus . . . Cette présentation symbolique était importante pour les Polonais, ne disposant ni de centres de formation dignes de ce nom, ni de matériaux accessibles à leur bourse. De même les Argentins, désireux d'inviter plus tard les vitraillistes français, sont en quête de formateurs et de formations. Et Philippe Andrieux, au moment où il passe la main à Bruno Pigeon, nouveau président de la Chambre syndicale nationale du vitrail, confirme combien il est impératif de développer les contacts avec l'étranger afin de dispenser le savoir-faire, au-delà des frontières avec, à terme, la création d'une fédération internationale du vitrail.
CD
Philippe Andrieux,
une vie syndicale au service du vitrail
Philippe est entré comme membre de la Chamhre syndicale nationale du vitrail
en 1974i. En 1988; il succède au poste de vice-président à job Guevel.
En I995, il devient président. Au cours de ce mandat, Job Guevel et
Philippe Andrieux ont créé des certificats de qualification professionnelle
et promu une formation en alternance sur trois ans.
Aujourd'hui, Bruno Pigeon préside une Chambre qui fête ses 106 ans.
Originaire de Reims, il a pris ses fonctions en novembre dernier.
Bourg-la-Reine Magazine
Les mots de lumière
Interview de Philippe Andrieux Propos recueillis par David Rousseau, Mairie de Bourg-La -reine Président de l’association Connaissance du Vitrail, Philippe Andrieux nous a reçu dans son atelier pour nous faire découvrir le monde du vitrail, qui après une longue léthargie connaît actuellement un développement spectaculaire. Une bonne introduction à la Biennale Internationale du Vitrail qui s'est tenue sur le thème des quatre éléments du 12 au 22 octobre, aux Colonnes à Bourg-La-Reine. Comment faire découvrir l’univers du vitrail à un néophyte ? Tapez à la porte de l’atelier et on vous ouvrira !, c’est souvent ce que répondent les compagnons. Mais la biennale est aussi le lieu idéal pour répondre à la curiosité de chacun. Il est possible en plus d’y trouver les explications sur les nouveautés en terme de technique et en terme de création grâce aux ateliers qui s’y trouvent. L’explication commence souvent par la constatation. En vous rendant au Louvre et en observant les oeuvres exposées, vous comprenez déjà un certain nombre de choses. Il suffit de faire fonctionner ses cinq sens. D’autres éléments supposent un enseignement. |
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Quelle est la situation du vitrail en France aujourd’hui ?
La France possède 60 % du Patrimoine mondial en matière de vitrail.
Paradoxalement, notre métier était handicapé par son passé.
Nous avions une chape de plomb sur la tête : le passé si glorieux du
vitrail en France faisait qu’il était absolument interdit de remettre en question
la technique. L’histoire brillante du vitrail bloque encore les professionnels, notamment
en province. Mais, à présent on constate un changement dans les moeurs.
De nouvelles techniques voient le jour grâce à la recherche scientifique.
On est en pleine mutation.
Et sur le plan économique ?
La reprise économique de ces dernières années a permis aux institutions
publiques de commander des restaurations, voire des créations, à l’ensemble
de nos confrères. Tout de même, la situation actuelle est un peu embarrassante :
nous avons 450 entreprises françaises dans le secteur, elles représentent
un millier d’emplois, et actuellement, elles ne sont pas du tout en mesure de
répondre à la demande en matière de restauration et d’entretien
du patrimoine. On ne trouve pas de personnel qualifié. De manière
générale, les métiers d’art sont porteurs. Pour combler le
déficit de main-d’oeuvre, nous réfléchissons avec la chambre
syndicale des maîtres-verriers et l’Institut du Verre, à un Contrat
de qualification professionnel (CQP) qui serait un complément de formation
aux diplômes existants.
Vous parlez de formation, comment devient-on maître-verrier ?
Je crois que l’on est maître le jour de sa mort, toute sa vie l’on n’est qu’apprenti,
car chaque jour apporte son enrichissement.
D’une façon générale, il faut une formation la plus large possible pour
posséder les acquis permettant de répondre à toutes les demandes,
mais il est indispensable qu'une mise en pratique de ces acquis soit réalisée
en entreprise pour pouvoir certifier le niveau des formations. Nous voyons à
quel point l’Education nationale et les professionnels réunis autour de la Chambre
Syndicale Nationale du vitrail doivent collaborer pour la survie de notre métier.
A ce propos, quelles sont les nouvelles techniques utilisées ?
L’ancêtre du vitrail, la dalle de verre, a bien vécu. La technique du vitrail
au plomb n’a pas évoluée : un vitrail, c’est simplement l’assemblage de
verres teintés dans la masse, ou non, rehaussés d’oxyde métallique
cuit à 620°, sertis de baguettes de plomb, soudées à
l’étain et mastiquées aux deux faces. Désormais, il faut
donner au mot vitrail un sens plus large, une autre connotation : il
faut y intégrer la technique américaine que l’on appelle
le tiffany (on remplace les baguette de plomb par un petit film de cuivre
sur le pourtour de chaque pièce que l’on soude les uns aux autres), ainsi
que les recherches dans la gravure et toutes les formes de transparences...
Depuis la dernière édition, il y a deux ans, le secteur a-t-il
progressé ?
Lors de la dernière édition, des échanges importants ont eu
lieu. Certains exposants sont devenus amis, ils ont discuté art
et chacun a pu piocher dans le travail de l’autre des éléments pour conforter
sa technique.
Peut-on parler de courants artistiques dans le vitrail comme en
peinture par exemple ?
Le vitrail a des affinités avec la peinture bien sûr, mais aussi avec la
céramique, notamment en matière d’émaillage, et avec la
métallurgie. A l’heure actuelle, il y a un grand mouvement. De plus en plus
de créateurs s’y intéressent, quel que soit leur art. Si les peintres
ne se sont pas rapprochés des techniques du vitrail, jusqu’à présent,
c’étaient parce qu’elles étaient trop contraignantes. Mais, les
techniques évoluent et les ateliers ouvrent de plus en souvent leurs portes
aux peintres. Nous constatons que la plupart des ateliers sont aujourd’hui
gérés par des artistes.
Qu’attendez des vous de cette nouvelle édition ?
La biennale se veut être un endroit où les artistes se rassemblent tous les
deux ans pour échanger leur vocabulaire de formes et couleurs, mais aussi leurs
techniques. Bourg-La-Reine doit devenir un endroit où l’art s’exprime et où
il existe des échanges entre le grand public, les personnes en formation et les
professionnels aguerris et reconnus. Il faut créer une grande chaîne
d’union entre ceux qui ont la connaissance et ceux qui ne l’ont pas et qui souhaitent
la trouver.
Se côtoient 150 vitraux : des oeuvres de verriers en formation - des vitraux de
bonne qualité, mais pas tout à fait aboutis - et d’autres, issues du
travail de maîtres verriers, de véritables artistes. A l’heure actuelle,
il y a une discrimination entre ceux qui créent sur verre ou autre support, et
ceux qui créent sur toile. Les premiers ne seraient que des artisans qui sentent
le souffre alors que les autres sont des artistes. Qu’importe le support, pourvu qu’on ai
l’oeuvre ! Ce snobisme a fait le malheur de nombreux galeristes mais le public ne s’y
trompe pas et la biennale le prouve. Les travaux présentés sont des oeuvres
d’art à part entière et issues de la matière et de l’esprit. Miro,
Picasso, Cocteau et bien d’autres ont suivi cette démarche.
Le thème des quatre éléments, Pourquoi ce choix ?
Il a été retenu parce qu’il est très fédérateur, c’est
un magnifique symbole. Chaque peuple de quelque époque que ce soit connaît
les quatre éléments et si l’on apprend à regarder, on les
trouvera là où l’on ne les attends pas.
Vous êtes président de Connaissance du Vitrail, pouvez-nous nous
présenter cette association ?
La Chambre Syndicale nationale a ses fonctions, ses obligations et ses devoirs
vis-à-vis notamment des lois qui régissent la profession, et elle est
réservée aux professionnels. J’ai pensé dès les
années 80 qu’il était nécessaire de créer une sorte
d’amicale d’amateurs, et même de professionnels, permettant de partager
cette passion.
C’est une réussite notamment parce qu’aucun intérêt
pécuniaire n'est en jeu. Connaissance du Vitrail
s’élargit à l’international. Deux nouveaux pays nous rejoignent :
l’Argentine et la Pologne. Nous établissons des liens d’amitiés
avec tous les mouvements qui le souhaitent et qui nous semblent dignes de
réciprocité.
La biennale internationale du vitrail devient la plate forme incontournable
où les plasticiens se retrouvent pour constater leur évolution et
se motiver dans l’espoir, deux ans plus tard, de présenter une oeuvre
exceptionnelle.
Et puis, il y a des techniques qui, sans être nouvelles, sont de plus en plus
utilisées comme le fusing. Toutes les découvertes
actuelles favorisent les élucubrations des maîtres verriers. C’est
grâce aux travaux du CNRS notamment que certaines découvertes pourront
dans un futur proche devenir des applications que nous mettrons en oeuvre dans
notre travail.
Gardons le matériau verre comme matériau de base, et acceptons toutes
les recherches de transparences. L’exposition de Bourg-La-Reine tend à le prouver.
Les exposants viennent de toutes les parties du monde pour partager et comparer leurs
transparences. Ce mouvement monte en puissance et devient de plus en plus international.
Certains exposants sont financés par le ministère de la culture argentin
pour venir exposer leurs oeuvres à Bourg-La-Reine ! Je suis content car certains
titres de la presse spécialisée parlent déjà du
phénomène Bourg-La-Reine.