Bulletin Officiel du Travail, de lEmploi et de la Formation Professionnelle
N° 2002/10 du mercredi 5 juin 2002
Conditions de travail
Evaluation
Hygiène et sécurité
Prévention
Risques professionnels
Direction des relations du travail
Sous-direction des conditions de travail
et de la prévention des risques du travail
Circulaire DRT n°
2002-06 du 18 avril 2002 prise pour lapplication du décret n°
2001-1016 portant création dun document relatif à lévaluation des risques
pour la santé et la sécurité des travailleurs, prévue par
larticle L. 230-2 du code du travail et modifiant le code du travail
NOR : MEST0210100C
(Texte non paru au Journal officiel )
Mesdames et Messieurs les préfets de région ; Madame et Messieurs les directeurs
régionaux du travail, de lemploi et de la formation professionnelle ; Mesdames et
Messieurs les préfets de département ; Mesdames et Messieurs les directeurs
départementaux du travail, de lemploi et de la formation professionnelle ; Mesdames
et Messieurs les inspecteurs et contrôleurs du travail.
Lévaluation
a priori
des risques constitue un des principaux leviers de progrès de la démarche de prévention
des risques professionnels au sein de lentreprise. Elle constitue un moyen essentiel de préserver
la santé et la sécurité des travailleurs, sous la forme dun diagnostic en amont
- systématique et exhaustif - des facteurs de risques auxquels ils peuvent être
exposés.
Lapport des connaissances scientifiques et lévolution des
conditions de travail ont mis en évidence de nouveaux risques professionnels (amiante, risques
à effet différé liés aux substances dangereuses, troubles musculo-squelettiques,
risques psycho-sociaux), qui soulignent la nécessité de renforcer lanalyse préventive
des risques.
Dans cette perspective, en reposant sur une approche globale et pluridisciplinaire
- cest-à-dire à la fois technique, médicale et organisationnelle -,
la démarche dévaluation doit permettre de comprendre et de traiter lensemble des
risques professionnels.
Introduite pour la première fois en droit français du travail
en 1991, lévaluation des risques connaît une nouvelle avancée avec la
parution du décret du 5 novembre 2001 portant création dun document relatif à lévaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.
Ainsi, les acteurs de la prévention disposent désormais dune base tangible pour la
définition de stratégies daction dans chaque entreprise.
La présente circulaire vise à fournir à lensemble des
services des éléments de droit et de méthode utiles pour promouvoir cet outil et en
faciliter la compréhension par les acteurs externes. Ce dispositif crée, en effet, un instrument
juridique contraignant, dont la mise en uvre demeure néanmoins souple puisque les modalités
techniques de lévaluation des risques ne sont pas précisées par le décret.
Elle sappuie sur les enseignements tirés des expériences en entreprise impulsées
par les services déconcentrés du ministère depuis 1995, afin de permettre à
linspection du travail de remplir ses missions dinformation, de sensibilisation et de
contrôle.
Lobligation de transcrire dans un document les résultats de
lévaluation des risques nest pas quune obligation matérielle. Elle
représente la première étape de la démarche générale de
prévention qui incombe à lemployeur. Mais cette formalisation doit aussi contribuer
au dialogue social au sein de lentreprise, sur lévaluation elle-même, et,
au-delà, sur la conception et la réalisation des mesures de prévention, qui devront,
en tant que de besoin, faire suite à lévaluation des risques.
1.
Points de repère : la directive-cadre
et sa transposition en droit français
1.1.
La directive
La directive n°
89/391/CEE du Conseil des communautés européennes du 12 juin 1989, dite
« directive-cadre », définit les principes fondamentaux de la protection
des travailleurs. Elle a placé lévaluation des risques professionnels au sommet de la
hiérarchie des principes généraux de prévention, dès lors que les risques
nont pas pu être évités à la source.
Alors que la plupart des dispositions de la directive-cadre préexistaient en
droit français, la démarche dévaluation
a priori
des risques, qui doit contribuer fortement à lamélioration globale de la santé et
de la sécurité et des conditions de travail, constitue la principale novation de ce texte
communautaire, au regard de lapproche française classique.
Lévaluation en amont des risques vise à connaître, de
manière exhaustive et précise, les risques à traiter auxquels les travailleurs peuvent
être exposés. Elle sattache à tenir compte de lévolution des techniques,
avec le souci dassurer la mise en uvre du principe fondamental dune adaptation du travail
à lhomme.
1.2. La loi du 31 décembre 1991
Dès 1991, la loi n°
91-1414 du 31 décembre 1991, a permis de transposer, pour lessentiel, les dispositions
que la directive cadre ajoutait au droit français. Sagissant de lévaluation des risques,
cest larticle L. 230-2 du code du travail qui traduit le droit communautaire
(article 6 de la directive-cadre), au regard de 3 exigences dordre général :
- obligation pour lemployeur dassurer la santé et la
sécurité des travailleurs (I de larticle L. 230-2) ;
- mise en uvre des principes généraux de prévention
des risques professionnels (II de larticle L. 230-2) ;
- obligation de procéder à lévaluation des risques
(III de larticle L. 230-2).
A ce titre, il convient de noter les arrêts de la cour de cassation du
28 février 2002 relatifs à lamiante, qui imposent à lemployeur
une obligation de résultat devant le conduire à une grande vigilance.
Ainsi, lévaluation des risques constitue une obligation à la charge
de lemployeur, sinscrivant dans le cadre des principes généraux de prévention,
afin dengager des actions de prévention des risques professionnels.
Cette obligation générale a été déclinée par
des prescriptions législatives et réglementaires spécifiques prises, depuis 1989,
en matière dévaluation des risques (voir annexe 1). Elles correspondent, soit
à un type de danger, dagents ou produits dangereux (amiante, bruit, risque biologique,
chimique, cancérogène... ), soit à un type dactivité (manutention des
charges, bâtiment-travaux publics, co-activité...).
Le présent décret vient, quant à lui, concrétiser le
dispositif général mis en place en 1991, en complétant la transposition de la
directive-cadre sous un angle juridique. Dune part, conformément à larticle 9
paragraphe 1 alinéa a) de la directive susvisée, il répond à
lobligation pour lemployeur de conserver les résultats de lévaluation
des risques quil a effectuée, en liaison avec les acteurs internes et externes à
lentreprise. Dautre part, il définit les modalités de mise à disposition
du document transcrivant les résultats de lévaluation des risques, aux acteurs externes
et internes à lentreprise, parmi lesquels figurent les instances représentatives du
personnel (article 10 paragraphe 3 alinéa a) de la directive).
2. Eléments juridiques du decret
Ce décret introduit deux dispositions réglementaires dans le code du travail.
La première - article R. 230-1 - précise le contenu de lobligation pour
lemployeur de créer et conserver un document transcrivant les résultats de
lévaluation des risques à laquelle il a procédé. A cette occasion,
un chapitre préliminaire, intitulé « principes de prévention »,
est inséré dans la partie réglementaire du titre III du livre II du code
du travail.
La seconde disposition réglementaire est de grande portée
puisquelle introduit un nouvel article R. 263-1-1, qui porte sur le dispositif de
sanctions pénales prévu en cas de non-respect par lemployeur des différentes
obligations, auquel celui-ci est dorénavant soumis en matière dévaluation des
risques.
2.1.
Forme et contenu du « document unique »
(article R. 230-1, premier alinéa)
Dans son premier alinéa, larticle R. 230-1 du code du travail définit les modalités de la transcription des résultats de lévaluation des risques, tant sur sa forme que sur son contenu.
2.1.1. La forme du « document unique »
Les résultats de lévaluation des risques devront être transcrits
sur un document unique, cela dans le souci de répondre à trois exigences :
- de cohérence, en regroupant, sur un seul support, les données
issues de lanalyse des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs ;
- de commodité, afin de réunir sur un même document
les résultats des différentes analyses des risques réalisées sous la
responsabilité de lemployeur, facilitant ainsi le suivi de la démarche de prévention
des risques en entreprise ;
- de traçabilité, la notion de
« transcription » signifiant quun report systématique des résultats
de lévaluation des risques doit être effectué, afin que lensemble des
éléments analysés figure sur un support. Celui-ci pourra être écrit
ou numérique, laissant à lemployeur le soin de choisir le moyen le plus pratique de
matérialiser les résultats de lévaluation des risques. Dans tous les cas,
lexistence de ce support traduit un souci de transparence et de fiabilité, de nature à
garantir lauthenticité de lévaluation. Pour tout support comportant des informations
nominatives, lemployeur devra, conformément à la loi n°
78-17 du 6 janvier 1978 relative à linformatique, aux fichiers et aux
libertés, procéder à une déclaration auprès de la Commission nationale
de linformatique et des libertés.
2.1.2. Le contenu du « document unique »
En application des dispositions législatives du code du travail
(a) du III de larticle L. 230-2), lemployeur doit : « évaluer les risques pour la sécurité et la santé des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans laménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail ».
Le premier alinéa de larticle R. 230-1 indique que cette opération consiste pour lemployeur à transcrire les résultats de lévaluation des risques sur un document unique qui comporte un inventaire des risques dans chaque unité de travail de lentreprise ou de létablissement. Il convient dy apporter deux précisions.
Premièrement, la notion d« inventaire » conduit à définir lévaluation des risques, en deux étapes :
1. Identifier les dangers : le danger est la propriété ou capacité intrinsèque dun équipement, dune substance, dune méthode de travail, de causer un dommage pour la santé des travailleurs ;
2. Analyser les risques : cest le résultat de létude des conditions dexposition des travailleurs à ces dangers.
Il convient de préciser que la combinaison de facteurs liés à lorganisation du travail dans lentreprise est susceptible de porter atteinte à la santé et à la sécurité des travailleurs, bien quils ne puissent être nécessairement identifiés comme étant des dangers. A titre dexemple, lassociation du rythme et de la durée du travail peut constituer un risque psychosocial - comme notamment le stress - pour le travailleur.
Ainsi, lévaluation des risques se définit comme le fait dappréhender les risques créés pour la santé et la sécurité des travailleurs, dans tous les aspects liés au travail.
Par conséquent, elle ne se réduit pas à un relevé brut de données, mais constitue un véritable travail danalyse des modalités dexposition des salariés à des dangers ou à des facteurs des risques.
Deuxièmement, la notion d« unité de travail » doit être comprise au sens large, afin de recouvrir les situations très diverses dorganisation du travail. Son champ peut sétendre dun poste de travail, à plusieurs types de postes occupés par les travailleurs ou à des situations de travail présentant les mêmes caractéristiques. De même, dun point de vue géographique, lunité de travail ne se limite pas forcément à une activité fixe, mais peut aussi bien couvrir des lieux différents (manutention, chantiers, transports, etc.).
Le travail dévaluation mené par lemployeur est facilité, en ce que les regroupements opérés permettent de circonscrire son évaluation des risques professionnels. Néanmoins, ces regroupements ne doivent pas occulter les particularités de certaines expositions individuelles.
Ainsi, les documents établis par le médecin du travail - la fiche dentreprise -, par le CHSCT - lanalyse des risques -, par les fabricants de produits - les fiches de données de sécurité -, par exemple, ne constituent pas en tant que tels lévaluation des risques. Ils sont néanmoins des sources dinformations utiles à lanalyse des risques réalisée par lemployeur (voir annexe 2).
2.2. Mise à jour du document
Conformément à la nécessité dinscrire lévaluation des risques dans une démarche dynamique et donc, évolutive, le décret prévoit (article R. 230-1, second alinéa) trois modalités dactualisation du document unique, prenant en compte les éventuelles modifications de la situation du travail dans lentreprise :
- le décret assure une garantie de suivi du document, dans la mesure où ce dernier doit faire lobjet dune mise à jour au moins annuelle ;
- le document doit être actualisé lorsque toute décision daménagement important modifiant les conditions dhygiène et de sécurité ou les conditions de travail est prise, au sens du septième alinéa de larticle L. 236-2. Ce dernier prévoit la consultation préalable du CHSCT lorsquune telle décision est prise, désignant notamment « toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de loutillage, dun changement de produit ou de lorganisation du travail (et) toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail » ;
- le décret prévoit la mise à jour du « document unique », « lorsquune information supplémentaire concernant lévaluation dun risque dans une unité de travail est recueillie ». Cette disposition, sur laquelle il convient dinsister, permet de tenir compte de lapparition de risques dont lexistence peut, notamment, être établie par les connaissances scientifiques et techniques (ex. : troubles musculo-squelettiques, risques biologiques, risques chimiques, etc.), par la survenue daccidents du travail, de maladies à caractère professionnel, ou par lévolution des règles relatives à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail (risques psychosociaux).
2.3. Accessibilité du document
Aux quatrième et cinquième alinéas de larticle R. 230-1, le décret indique que le document ainsi créé et mis à jour par lemployeur doit être tenu à la disposition dune série dacteurs quil convient de classer en deux catégories.
2.3.1. Les acteurs internes à lentreprise
Conformément au quatrième alinéa de larticle R. 230-1, le document unique relatif à lévaluation des risques est mis à la disposition :
- des instances représentatives du personnel ;
- des personnes soumises à un risque pour leur sécurité ou leur santé (à défaut dinstances représentatives du personnel) ;
- du médecin du travail.
Cela signifie que lemployeur doit veiller à ce que ces personnes puissent accéder directement aux résultats de lévaluation des risques, après les avoir, le cas échéant, informées des moyens de le faire. Ainsi, lemployeur pourra aussi bien assurer la consultation de ce document par voie numérique que sous la forme dun support papier.
Parmi ces acteurs, figurent, en premier lieu, les instances représentatives du personnel (CHSCT, ou instances qui en tiennent lieu, tels que les instances représentatives du personnel des établissements publics, et délégués du personnel). Le document unique constitue une des sources dinformation permettant à ces instances dexercer leurs prérogatives. Il est ainsi rappelé que le CHSCT - et les délégués du personnel - procèdent à lanalyse des risques professionnels, comme le prévoit larticle L. 236-2. Ainsi, la mise à disposition du document dévaluation des risques sinscrit bien dans lexercice par les instances représentatives du personnel de leur droit dobtenir de lemployeur les informations nécessaires pour lexercice de leurs missions, en application de larticle L. 236-3, alinéa 1.
Le décret prévoit aussi, en ce qui concerne les établissements dépourvus dinstances représentatives du personnel, de rendre le document unique accessible pour les « personnes soumises à un risque pour leur sécurité ou leur santé ». En venant pallier labsence de représentants du personnel, cette disposition participe tant dune démarche dinformation des travailleurs que dune volonté dassocier ces derniers à lappréciation des résultats de lévaluation des risques.
Enfin, le médecin du travail est habilité à prendre connaissance des résultats de lévaluation des risques pratiquée par lemployeur, puisquil participe à la démarche de prévention, dans lexercice de ses missions et en qualité de conseiller des salariés et de lemployeur.
2.3.2. Les acteurs externes à lentreprise
Le décret (article R. 230-1, cinquième alinéa) désigne linspection du travail, les agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale et les organismes mentionnés au 4° de larticle L. 231-2. Ces agents peuvent accéder au document unique, dès lors quils en ont fait la demande auprès de lemployeur.
Les agents de linspection du travail
Ils exercent là leur droit de consultation, tel quil résulte respectivement des articles L. 611-9 et L. 611-12 du code du travail. En effet, il est prévu que les agents de linspection du travail peuvent se faire présenter, au cours de leurs visites, lensemble des livres, registres et documents rendus obligatoires par le code du travail. Cela correspond à la mission précisée à linspection du travail en matière dévaluation des risques, par la circulaire n° 02 DRT du 23 février 2000 relative au programme dactions coordonnées 2000 pour la prévention des risques professionnels. Cette mission couvre trois moments distincts :
La sensibilisation en amont des acteurs internes à lentreprise
Il sagit :
- de lemployeur, en tant que responsable de lévaluation des risques ;
- des instances représentatives du personnel, qui analysent les risques et participent à la démarche de prévention ;
- des travailleurs, qui apportent leurs connaissances de leur situation de travail ;
- du médecin du travail, conseiller de lentreprise, sensibilisé notamment par laction des médecins inspecteurs régionaux du travail et de la main-duvre.
Cette mission de sensibilisation peut suivre plusieurs modalités. Elle peut consister à rappeler à lemployeur les obligations quil doit respecter, conformément au présent décret, à savoir :
- transcrire les résultats de lévaluation des risques dans un document unique ;
- mettre à jour cette évaluation ;
- tenir ce document à disposition des acteurs internes et externes à lentreprise ;
- utiliser les résultats de lévaluation des risques pour la mise en uvre dune démarche de prévention.
Cette démarche vise à présenter lintérêt de lévaluation des risques, par rapport à la démarche générale de prévention. Il sagit de situer les enjeux dune approche en amont des risques, dont lefficacité dépend des actions de prévention que lemployeur mettra en uvre, suite à son évaluation des risques.
Les points de repères méthodologiques exposés dans cette circulaire (voir point 3) peuvent aussi être rappelés, le cas échéant, en orientant lemployeur vers les organismes para-publics de prévention, voire les organismes techniques, les cabinets privés, susceptibles de fournir un appui à la réalisation de lévaluation des risques.
Enfin, le Fonds damélioration des conditions de travail (FACT) peut être utilisé, dans le cadre dappui aux projets des branches professionnelles ou des entreprises.
Laccompagnement de la démarche de prévention
Sans pour autant aller jusquà une association complète à cette démarche, linspection du travail peut tirer parti de sa présence en entreprise (prévue à larticle L. 236-7), notamment lors des réunions du comité dhygiène, de sécurité et des conditions de travail, en apportant ses connaissances sur les modalités de la mise en uvre du processus de prévention.
Le contrôle de lévaluation des risques
Le décret fixe tout dabord des obligations incombant à lemployeur qui sont susceptibles de faire lobjet de sanctions pénales (contraventions de cinquième classe). Les agents de linspection du travail peuvent dresser procès-verbal à lencontre de lemployeur qui naura pas :
- transcrit les résultats de lévaluation des risques sur un document unique ;
- mis à jour ces résultats, selon les modalités définies au second alinéa de larticle R. 230-1 (voir point 2.5.1).
En outre, ils peuvent relever, par procès-verbal, les autres cas dinfractions déjà prévus par le code du travail. Il sagit, en premier lieu, de labsence de mise à disposition du document unique aux instances représentatives du personnel et aux agents de linspection du travail (voir point 2.5.2). En second lieu, linspection du travail peut constater, par procès-verbal, la violation par lemployeur des prescriptions spécifiques en matière dévaluation des risques (voir annexe 1).
Lagent de contrôle peut aussi adresser des observations, relatives à labsence de mise à disposition du document unique, aux :
- personnes soumises à un risque pour leur sécurité ou leur santé, dans les établissements dépourvus dinstances représentatives du personnel ;
- médecin du travail ;
- organismes mentionnés au 4°
de larticle L. 231-2.
Naturellement, les agents de linspection du travail peuvent toujours constater labsence dutilisation des résultats de lévaluation des risques pour létablissement des documents - bilan annuel de la santé et de la sécurité au travail et programme annuel de prévention - soumis par lemployeur aux instances représentatives du personnel.
Les agents des services de prévention
des organismes de sécurité sociale
Ils bénéficient aussi du droit daccès au document unique, dans la mesure où ils jouent un rôle important en matière de prévention, en engageant des moyens, tant dincitation en matière de prévention que dinjonction à légard des employeurs. En ce qui concerne leur mission dincitation, les ingénieurs-conseils et contrôleurs de sécurité des caisses régionales dassurance maladie (CRAM) peuvent exploiter les résultats des études (article L. 422-2 du code de la sécurité sociale) et enquêtes (article L. 422-3 dudit code), pour sensibiliser les employeurs à lévaluation des risques et à lintégration de la prévention dans leur gestion et lorganisation des lieux de travail. En outre, les agents des CRAM peuvent, par voie dobservations et, le cas échéant, dinjonctions, amener lemployeur à réaliser des mesures damélioration (article L. 422-4).
Ce droit daccès au document unique sapplique aussi aux agents des caisses de mutualité sociale agricole (les médecins du travail et les conseillers de prévention), en ce qui concerne les établissements soumis au régime agricole de sécurité sociale. Cette disposition permettra aux agents de la mutualité sociale agricole de conforter leurs missions de conseil auprès des entreprises. Conformément au décret n°
73-892 du 11 septembre 1973 relatif à lorganisation et au financement de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles des salariés agricoles, les caisses de mutualité sociale agricole peuvent inviter tout employeur à prendre toutes mesures justifiées de prévention.
LOPPBTP
LOrganisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP) est le seul à entrer dans la catégorie des « organismes mentionnés au 4° de larticle L. 231-2 ». Il exerce une mission de conseil dans les domaines de la sécurité, de la protection de la santé et de lamélioration des conditions de travail dans les entreprises du bâtiment et de travaux publics, conformément au décret n° 85-682 du 4 juillet 1985 modifié. Il poursuit 4 axes dactions (diagnostic sécurité entreprise, information, formation et assistance technique), qui permettent aux délégués de lOPPBTP de recueillir et diffuser les informations nécessaires à lévaluation des risques et à lélaboration des différents plans de prévention.
Les médecins inspecteurs du travail et de la main-duvre
Le document unique doit être aussi tenu à disposition des médecins inspecteurs du travail et de la main-duvre, en application de larticle L. 612-2 du code du travail. Celui-ci leur reconnaît en effet un droit de consultation identique à celui des agents de linspection du travail. Ce droit de consultation permet aux médecins inspecteurs du travail et de la main-duvre dexercer leur action permanente, en vue de la protection de la santé des travailleurs sur leur lieu de travail.
2.4. Mise en uvre dactions de prévention
Lévaluation des risques ne constitue pas une fin en soi. Elle trouve sa raison dêtre dans les actions de prévention quelle va susciter. Sa finalité nest donc nullement de justifier lexistence dun risque, quel quil soit, mais, bien au contraire, de mettre en uvre des mesures effectives, visant à lélimination des risques, conformément aux principes généraux de prévention.
Dans cet esprit, le décret prévoit dutiliser la transcription des résultats de lévaluation des risques pour létablissement des documents qui doivent faire lobjet, par lemployeur et sous sa responsabilité, dune consultation du CHSCT (article R. 230-1, troisième alinéa). Cela désigne deux types dinstruments :
- le document unique doit dabord contribuer à la présentation du rapport écrit traçant le bilan de la situation générale dans lentreprise en matière dhygiène, de sécurité et de conditions de travail et concernant les actions prises en ce domaine durant lannée écoulée ;
- mais le document unique doit davantage contribuer à lélaboration du programme annuel de prévention des risques professionnels. Ce programme est essentiel dans la mise en uvre des actions de prévention qui font suite à lévaluation des risques. Conformément à larticle L. 236-4, alinéa 4, lemployeur doit fixer, dans le programme, la liste détaillée des mesures devant être prises au cours de lannée à venir afin de satisfaire notamment aux prescriptions figurant dans les principes généraux de prévention. En application de larticle L. 236-4, le CHSCT est associé à la préparation du programme annuel de prévention par lutilisation, dune part, de lanalyse des risques à laquelle il a procédé et, dautre part, par lavis rendu à lemployeur sur le programme que ce dernier lui soumet.
Quant aux délégués du personnel, ils disposent des mêmes prérogatives que les CHSCT, en labsence de ces derniers dans les établissements de plus de 50 salariés, conformément à la loi n°
82-1097 du 23 décembre 1982 modifiée par la loi n°
91-1414 du 31 décembre 1991, au décret n°
93-449 du 23 mars 1993 et à la circulaire n°
93-15 du 25 mars 1993.
Par conséquent, lemployeur dispose de deux sources - lune issue de sa propre évaluation des risques et lautre résultant de lanalyse des risques effectuée par le CHSCT - lui permettant de concevoir des actions de prévention, dans le cadre du dialogue social entretenu avec les instances représentatives du personnel (voir
infra
, point 3.1.1.).
Dans les entreprises dépourvues dinstances représentatives du personnel, lemployeur doit tenir compte de son obligation, prévue à larticle L. 230-2.III
a)
, de réaliser des actions de prévention, à la suite de lévaluation des risques et en tant que de besoin.
2.5.
Les sanctions pénales
2.5.1. Le dispositif fixé par le décret
Afin de renforcer leffectivité de lobligation pour lemployeur de transcrire les résultats de lévaluation des risques, le décret prévoit un dispositif de sanctions pénales de nature contraventionnelle. Ce dispositif, inscrit à larticle R. 263-1-1 du code du travail, prévoit des peines de contravention de cinquième classe, conformément aux articles 131-12 et suivants du code pénal. Les peines peuvent être prononcées à lencontre de lemployeur, selon deux motifs possibles.
Il sagit, en premier lieu, de la violation par lemployeur de son obligation de transcrire et de mettre à jour les résultats de son évaluation des risques. Cela concerne, par conséquent, le non-respect par lemployeur des obligations liées à la forme du document - existence dun document unique - et au fond - transcription des résultats de lévaluation par un inventaire des risques dans chaque unité de travail de létablissement (article R. 230-1, premier alinéa). En second lieu, sagissant de la mise à jour des résultats de lévaluation des risques, lemployeur devra aussi veiller au respect des modalités dactualisation du document unique, mentionnées à larticle R. 230-1, second alinéa.
Il convient dajouter que le juge judiciaire a la possibilité de doubler la peine de contravention en cas de récidive intervenue dans le délai dun an, à compter de lexpiration ou de la prescription de la précédente peine, ce, conformément à larticle 131-13 du code pénal.
Enfin, le décret indique que ces sanctions ne seront applicables que dans le délai dun an, à lissue de sa parution. Cette disposition octroie un délai suffisant permettant aux entreprises de concevoir et de mettre en place le dispositif dévaluation des risques. De ce fait, le présent décret ayant été publié le 7 novembre 2001, larticle R. 263-1-1 du code du travail entrera en vigueur le 8 novembre 2002.
Dans chaque situation concrète, il convient de trouver un juste équilibre entre lobligation qui pèse désormais sur lentreprise et les délais indispensables qui lui seront nécessaires pour que lévaluation des risques, ainsi matérialisée, sinscrive dans une réelle dynamique de prévention. En effet, il ne serait nullement conforme à lesprit même de cette importante réforme que les entreprises ne voient dans ce dispositif quune obligation purement formelle quelles pourraient satisfaire en remplissant des grilles, voire des formulaires pré-établis, sans que cela soit mené dans le cadre dune démarche effective de prévention propre à lentreprise.
2.5.2. Les autres cas dinfractions déjà prévus par le code du travail
Le décret ne mentionne pas la violation de lobligation de mise du document à disposition des instances représentatives du personnel et de linspection du travail. Ces deux infractions sont déjà prévues par le code du travail.
Une telle violation présente, en ce qui concerne les représentants du personnel, un caractère délictuel prévu par larticle L. 263-2-2 du code du travail, qui porte sur le délit dentrave, en ce qui concerne les CHSCT (article L. 482-1 pour les délégués du personnel). Un tel manquement porte en effet atteinte au fonctionnement régulier des instances représentatives du personnel.
Conformément à larticle L. 236-3, il entre notamment dans les droits du CHSCT (article L. 236-1 pour les délégués du personnel) de recevoir de lemployeur les informations nécessaires à lexercice de leurs missions. Parmi celles-ci, figure lanalyse des risques, énoncée plus haut (article L. 236-2). Lemployeur peut ainsi se rendre coupable de délit dentrave.
Sagissant de linspection du travail, larticle L. 611-9 fonde les conditions de linfraction par lemployeur à lencontre de son obligation de tenir le document dévaluation des risques à sa disposition. Larticle R. 631-1 indique, à cet égard, que toute infraction à cette obligation sera passible de lamende prévue pour les contraventions de 3ième classe. Dans le cas où lélément intentionnel est retenu, cette infraction constitue un délit dobstacle à laccomplissement des devoirs dun inspecteur ou dun contrôleur du travail.
3.
Points de repères de méthode
Lobjectif est, ici, dinscrire lévaluation
a priori
des risques dans la démarche de prévention des risques professionnels
Dans cette perspective, lévaluation
a priori
des risques constitue un préalable à la définition des actions de prévention fondée sur la connaissance en amont des risques auxquels sont exposés les travailleurs. Elle vise à accroître la protection de la santé et de la sécurité des salariés, ainsi quà améliorer les conditions de travail au sein de lentreprise. De ce fait, la démarche de prévention contribue aussi à lamélioration de la performance générale de lentreprise, du double point de vue social et économique.
Cette approche de la prévention de la santé et de la sécurité au travail doit être menée en liaison avec les instances représentatives du personnel, de façon à favoriser le dialogue social, en constituant un facteur permanent de progrès au sein de lentreprise.
Lévaluation des risques introduit des principes méthodologiques quil convient de maîtriser afin de mieux appréhender les enjeux de la prévention de la santé et de la sécurité au travail.
- la démarche de prévention est un processus dynamique.
La démarche de prévention des risques professionnels sinscrit dans un processus dynamique. Les entreprises ajustent sans cesse leurs outils de production, afin de faire face aux évolutions socio-économiques. La plupart du temps, ces mutations saccompagnent de changements organisationnels et techniques qui ont un impact sur les conditions de travail.
En conséquence, la prévention des risques professionnels ne peut pas être envisagée de manière statique et définitive. Bien au contraire, elle doit être appréciée et construite dans le cadre dun processus itératif tenant compte de lévolution dans lentreprise des facteurs humains, techniques et organisationnels. Il peut aussi bien sagir de lembauche de nouveaux salariés, de la modification des installations, de lacquisition déquipements ou de ladoption de nouvelles méthodes de travail.
Ainsi, la démarche de prévention peut se dérouler en 5 grandes étapes, qui consistent successivement à :
3.1. La préparation de la démarche
Il est nécessaire que lemployeur prenne, au préalable, connaissance des principes généraux de prévention, auxquels il doit se conformer, avant dengager la démarche de prévention. Il est également important de définir les objectifs, la méthode, le rôle des différents acteurs interne et externes à lentreprise et les moyens de sa mise en uvre.
a)
Les enjeux des principes généraux de prévention
Ainsi que lindique le I de larticle L. 230-2, lemployeur « prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs de létablissement, y compris les travailleurs temporaires ». A cette fin, lemployeur agit selon trois modalités daction :
- des actions de prévention des risques professionnels ;
- des actions dinformation ;
- des actions de formation.
Ainsi, il doit veiller à la mise en en place dune organisation et de moyens adaptés.
Lévaluation des risques se place au centre du dispositif de prévention. Dune part, elle découle de lobligation première, pour lemployeur, déviter les risques. Ainsi, le
b
du II de larticle L. 230-2 indique bien, à la suite de lobligation déviter les risques, que lemployeur doit « évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ». Cela suppose donc quune analyse globale des risques doit être réalisée. Dautre part, cette évaluation doit conduire à la mise en uvre dactions de prévention. Le
a
du III de larticle L. 230-2 prévoit, à cet égard, que, « à la suite de cette évaluation et en tant que de besoin, les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production mises en uvre par lemployeur doivent garantir un meilleur niveau de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et être intégrées dans lensemble des activités de létablissement et à tous les niveaux de lencadrement ».
b) Lintérêt dune approche pluridisciplinaire
Dans la mesure où ces actions de prévention doivent être planifiées « en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, lorganisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et linfluence des facteurs ambiants » (article L. 230-2-II g ), la démarche de prévention se fonde sur des connaissances complémentaires dordres médical, technique et organisationnel, tant au stade de lévaluation des risques que de celui de lélaboration dune stratégie de prévention.
c) Lassociation des acteurs internes à lentreprise
Les acteurs internes à lentreprise contribuent à la démarche de prévention. En sappuyant sur ces apports internes, lemployeur peut assurer la qualité de lévaluation des risques et développer une culture de la prévention dans son entreprise.
Les instances représentatives du personnel (CHSCT et délégués du personnel) sont associées au processus de mise en uvre de la démarche de prévention, tant au regard de lévaluation des risques que de la préparation des actions de prévention. Il est rappelé que ces instances procèdent elles-mêmes à une analyse de risques qui contribue à la réalisation par lemployeur du programme annuel de prévention, pour lequel les représentants du personnel sont consultés (voir
supra
, point 2.3.1.).
Le médecin du travail, en qualité de conseiller de lentreprise (salariés et employeur), apporte sa compétence médicale (voir
supra
, point 2.3.1.). Il contribue plus particulièrement à la démarche de prévention en exploitant les données recueillies pour létablissement de la fiche dentreprise ou lors de la surveillance médicale particulière des travailleurs (voir Annexe 2).
Lemployeur peut aussi recourir aux compétences internes à lentreprise, dordres technique et organisationnel, lesquelles peuvent se trouver dans les services de sécurité, des méthodes, des ressources humaines...
Enfin, les travailleurs eux-mêmes apportent une contribution indispensable, sachant quils disposent des connaissances et de lexpérience de leur propre situation de travail et des risques quelle engendre. Conformément à larticle L. 230-2, I, les travailleurs entrant dans le champ de lévaluation des risques sont :
- tous les travailleurs de létablissement, y compris les travailleurs temporaires ;
- les travailleurs de plusieurs entreprises présents dans un même lieu de travail ; cela désigne aussi bien lintervention dentreprises extérieures que les opérations de bâtiment et de génie civil réunissant sur un même chantier plusieurs entreprises (voir les modalités définies à lAnnexe 1).
Ainsi, compte tenu de lévolution croissante des activités de sous-traitance - maintenance, installation déquipements, manutention... -, les salariés des entreprises extérieures intervenant sur le site dune entreprise utilisatrice sont également mis à contribution pour la réalisation de lévaluation des risques.
De ce fait, lassociation des acteurs internes à lentreprise présente un intérêt double, tenant, dune part, à la mise en uvre des compétences pouvant contribuer à la réalisation de lévaluation des risques et, dautre part, au dialogue social.
d) La définition des moyens de mise en uvre de la démarche
Outre les ressources internes, lemployeur peut solliciter et mobiliser des ressources externes tout au long du processus de prévention, en tenant compte des moyens financiers dont il dispose.
Il peut faire appel à des organismes publics de prévention dotés des compétences techniques ou organisationnelles (caisses régionales dassurance maladie, caisses de mutualité sociale agricole, organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics, Agence nationale pour lamélioration des conditions de travail et son réseau territorial).
Il peut également sadresser à des experts techniques et des cabinets-conseils privés susceptibles de fournir une assistance dans les domaines de la prévention.
3.2. Lévaluation des risques
Il convient dapporter quelques précisions au contenu du document unique développé au point 2.1.2, au regard du domaine de lévaluation des risques et de la nécessité danalyser le travail réel.
a) Le domaine de lévaluation des risques
Lévaluation des risques doit sentendre de manière globale et exhaustive. Les textes relatifs à lévaluation des risques viennent préciser le champ et les modalités de sa mise en uvre.
Ces dispositions relèvent de la loi qui précise que lévaluation des risques doit aussi être réalisée lors du choix :
- des procédés de fabrication ;
- des équipements de travail ;
- des substances et préparations chimiques ;
- lors de laménagement des lieux de travail et de la définition des postes de travail (article L. 230-2, III,
a
).
En déterminant les modalités de la mise à jour du document unique, le présent décret précise, par renvoi au 7ième alinéa de larticle L. 236-2, que lors de toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de loutillage, dun changement de produit ou de lorganisation du travail (et) toute modification des cadences et des normes de productivité (liées ou non à la rémunération du travail), une évaluation des risques doit être réalisée.
Plusieurs prescriptions spécifiques déterminent les matières et conditions dans lesquelles une évaluation des risques doit être effectuée (voir Annexe 1). Cette réglementation propre à certaines activités ou risques - notamment physiques, chimiques et biologiques - peut conduire à la réalisation de diagnostics fondés sur le respect dindicateurs permettant destimer les conditions dexposition.
b) Lanalyse du travail réel
La pertinence de lévaluation des risques repose en grande partie sur la prise en compte des situations concrètes de travail - dit « travail réel » -, qui se différencie des procédures prescrites par lentreprise. Ainsi, lactivité exercée par le travailleur pour réaliser les objectifs qui lui sont assignés génère des prises de risques pour gérer les aléas ou les dysfonctionnements qui surviennent pendant le travail.
De ce fait, lanalyse des risques a pour objet détudier les contraintes subies par les travailleurs et les marges de manuvre dont ceux-ci disposent dans lexercice de leur activité. Lassociation des travailleurs et lapport de leur connaissance des risques ainsi que de leur expérience savèrent à cet égard indispensables.
Pour ces raisons, il est souhaitable que dans le document unique ne figurent pas uniquement les résultats de lévaluation des risques, mais aussi une indication des méthodes utilisées pour y parvenir. Cela doit permettre dapprécier la portée de lévaluation des risques au regard des situations de travail.
3.3 Lélaboration du programme dactions
Larticulation entre les résultats de lévaluation des risques et lélaboration du programme dactions ne sopère pas mécaniquement. La mise au point du programme dactions consiste à rechercher des solutions et à effectuer des choix.
Les décisions devront être prises dans le respect des principes généraux de prévention suivants (article L. 230-2, II) :
- « combattre les risques à la source » ;
- « adapter le travail à lhomme, en particulier lors de la conception des postes de travail, du choix des équipements de travail, des méthodes de travail et de production afin de limiter le travail monotone et cadencé au regard de leurs effets sur la santé » ;
- « tenir compte de létat dévolution de la technique » ;
- « remplacer ce qui est dangereux par ce qui nest pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux » ;
- « prendre les mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle » ;
- « donner les instructions appropriées aux travailleurs ».
Sachant que la planification de la prévention consiste à intégrer dans « un ensemble cohérent » des éléments dordres technique, organisationnel et humain, il sagira de tenir compte de linteraction de ces éléments au regard des situations de travail.
Cest sur ces bases que le programme annuel de prévention des risques professionnels (
cf.
point 2.4.) est établi, en associant les instances représentatives du personnel. Ce programme constitue, pour les acteurs internes et externes à lentreprise, un outil opérationnel de suivi des actions mises en uvre.
3.4. La mise en uvre des actions de prévention
Suite à ladoption du programme annuel de prévention, il est très souvent fait appel à des études complémentaires nécessaires à son exécution. Dans ce sens, le programme annuel peut servir doutil de suivi permettant aux instances représentatives du personnel daccompagner la mise en uvre des actions.
Ces actions, qui peuvent consister aussi bien à assurer des formations, à élaborer des consignes de travail ou encore à engager des travaux importants liés aux équipements de travail ou à laménagement des locaux, requièrent des exigences techniques qui leurs sont propres.
3.5. La réévaluation des risques
Dans la mesure où ces actions peuvent conduire à des changements techniques et organisationnels dans les situations de travail susceptibles de générer de nouveaux risques, il convient, en premier lieu, deffectuer une nouvelle évaluation des risques, selon les modalités fixées par le décret (voir point 2.2.).
A lissue de ces actions, il sagit denclencher de nouveau le processus de la démarche de prévention.
*
* *
Ce dispositif place lévaluation des risques au cur de la démarche de prévention des risques professionnels. Sa mise en application effective doit contribuer à accroître à la fois, le niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, et le développement des performances de lentreprise. Dans cette perspective, elle sinscrit bien dans la démarche visant à assurer des emplois de qualité soutenus par une dynamique de progrès de lentreprise.
Vous voudrez bien me tenir informé des expériences menées, des questions soulevées et des éventuelles difficultés que vous rencontrerez dans la mise en uvre de la présente circulaire. Ces contributions permettront denrichir les travaux du comité national - constitué de lensemble des représentants des organismes de prévention - qui a en charge lélaboration dun guide méthodologique destiné aux entreprises.
Le directeur des relations du travail, J.-D. Combrexelle |
ANNEXE I
prescriptions spécifiques à la charge de lemployeur
en matière dévaluation des risques
1.
Risques liés aux situations de coactivité
Il sagit darticuler le document unique avec les instruments prévus par :
- le décret n°
92-158 du 20 février 1992 relatif aux prescriptions particulières dhygiène et de sécurité applicables aux travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure ;
- le décret n°
94-1159 du 26 décembre 1994 relatif aux dispositions particulières relatives à la coordination pour certaines opérations de bâtiment ou de génie civil.
a)
Le cas dune entreprise intervenante dans une entreprise utilisatrice (décret du 20 février 1992, art. R. 237-1 et suivants) :
- Lanalyse commune des risques interférents
Lors dune intervention, lentreprise intervenante (EI) et lentreprise utilisatrice (EU) doivent procéder à une analyse commune des risques pouvant résulter de linterférence entre les activités, les installations et matériels ;
- Le plan de prévention
Les résultats de cette analyse des risques servent à la réalisation du plan de prévention, où figurent les mesures qui doivent être prises par chaque entreprise, en vue de prévenir ces risques ;
- Le retour dexpériences
Les enseignements tirés de ces analyses - retours dexpériences - peuvent venir, le cas échéant, enrichir le document unique de lentreprise intervenante, voire de lentreprise utilisatrice.
En ce qui concerne le secteur du bâtiment et les travaux publics, le document unique contient les résultats de lévaluation des risques liés aux métiers (peintre, maçon, couvreur, grutier...) et aux activités de lentreprise (pavillons, infrastructures de bâtiments, ponts ou routes...).
b)
Le cas dune ou plusieurs entreprises intervenantes sur un chantier - opérations de bâtiment ou de génie civil - (décret du 26 décembre 1994)
Dans le secteur du bâtiment et les travaux publics, le document unique contient les résultats de lévaluation des risques liés aux métiers (peintre, maçon, couvreur, grutier...) et aux activités de lentreprise (pavillons, infrastructures de bâtiments, ponts ou routes...).
- Le plan général de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé (PGC)
Le PGC définit lensemble des mesures propres à prévenir les risques découlant de linterférence des activités des différents intervenants sur le chantier, ou de la succession de leurs activités (art. R. 238-21).
- Le plan de sécurité et de protection de la santé (PPSPS)
Le PPSPS doit définir les mesures de prévention liées aux risques du chantier (art. R. 238-31-III et R. 238-32). Les mesures de prévention à prendre sur le fondement du document unique (modes opératoires standards) contribuent à la réalisation du PPSPS.
- Le retour dexpériences
Les enseignements tirés de la mise en uvre du PPSPS peuvent enrichir le document unique réalisé par chaque entreprise impliquée dans lopération de bâtiment ou de génie civil ; en outre, ces enseignements peuvent être pris en compte lors de la conception du PGC, à loccasion de chantiers ultérieurs.
2. Risque physique
TYPE DE RISQUE ou dactivité |
PRESCRIPTIONS SPÉCIFIQUES |
COMPLÉMENT PAR RAPPORT au décret évaluation des risques |
---|---|---|
Manutention de charges | Article R. 231-68 : en application des principes généraux de prévention définis à larticle L. 230-2, lemployeur évalue, si possible préalablement, les risques que font encourir les opérations de manutention pour la sécurité et la santé des travailleurs ; un arrêté du 29 janvier 1993 établit une liste non exhaustive des éléments de référence et des autres facteurs de risque à prendre en compte pour lévaluation préalable des risques et lorganisation des postes de travail. | Les résultats de lanalyse de ces risques sont intégrés dans le document unique. |
Bruit | Article R. 232-8-1 : lemployeur procède à une estimation et, si besoin est, à un mesurage du bruit subi pendant le travail. | En ce qui concerne le bruit, le travail didentification et de mesurage réalisé par lemployeur constitue un élément de référence pour lévaluation de ce risque, qui contribue à lobligation générale dévaluer les risques prévue par le décret du 5 novembre 2001. |
Rayonnements ionisants | Décret n° 86-1103 du 2 octobre 1986 (protection des travailleurs contre les rayonnements ionisants), article 4 : afin que les matériels, procédés et lorganisation du travail soient conçus de telle sorte que les expositions professionnelles individuelles et collectives soient maintenues aussi bas que possible en dessous des limites prescrites par le décret, les postes de travail exposés font lobjet dune analyse dont la périodicité est fonction du niveau dexposition ; voir aussi les articles 24 (évaluation individuelle de lexposition des travailleurs opérant en zone contrôlée), ainsi que les différents contrôles, prévus par le décret ; en outre, lemployeur établit une notice pour chaque poste de travail exposant les travailleurs à ce risque. | Les résultats de lanalyse de ces risques sont intégrés dans le document unique. |
Ecrans de visualisation | Décret n° 91-451 du 14 mai 1991 (prévention des risques liés au travail sur des équipements comportant des écrans de visualisation), article 3 : lemployeur analyse les risques professionnels et les conditions de travail pour tous les postes comportant un écran de visualisation. | Les résultats de lanalyse de ces risques sont intégrés dans le document unique. |
3. Risque chimique
TYPE DE RISQUE | PRESCRIPTIONS SPÉCIFIQUES |
OBSERVATIONS AU REGARD du décret évaluation des risques |
---|---|---|
Dispositions générales | Article 231-54-1 : lemployeur procède, conformément aux dispositions du III de larticle L. 230-2, à lévaluation des risques encourus pour la santé et la sécurité des travailleurs, pour toute activité susceptible de présenter un risque dexposition à des substances ou à des préparations chimiques dangereuses. Cette évaluation porte sur les niveaux dexposition collectifs et individuels et indique les méthodes envisagées pour les réduire ; cette disposition prévoit en outre les conditions de renouvellement de lévaluation ; larticle R. 231-54.1 prévoit quune notice informant le salarié des risques auxquels il est exposé sera établie pour chaque poste de travail soumis à ce risque. | Les résultats de lanalyse des risques chimiques sont intégrés dans le document unique. |
Risque cancérogène | Article R. 231-56-1 : lemployeur est tenu, pour toute activité susceptible de présenter un risque dexposition à des agents cancérogènes, dévaluer la nature, le degré et la durée de lexposition des travailleurs, afin de pouvoir apprécier tout risque concernant leur sécurité ou leur santé. | idem |
Amiante | Décret n° 96-98 du 7 février 1996 modifié (protection des travailleurs contre les risques liés à linhalation de poussières damiante), article 2 : lemployeur évalue les risques, afin de déterminer, notamment, la nature, la durée et le niveau de lexposition des travailleurs à linhalation de poussières provenant de lamiante ou de matériaux contenant de lamiante. Cette évaluation doit porter sur la nature des fibres en présence et sur les niveaux dexposition collective et individuelle. | idem |
Silice Plomb Chlorure de vinyle monomère Benzène |
Voir les différents textes fixant des seuils dexposition. | Les mesures et contrôles ainsi effectués constituent des éléments de référence nécessaires à lévaluation des risques. |
2. Risque biologique
TYPE DACTIVITÉ | PRESCRIPTIONS SPÉCIFIQUES |
OBSERVATIONS AU REGARD du décret évaluation des risques |
---|---|---|
Risque biologique | Article R. 231-62, 1. : afin de procéder à lévaluation des risques, prévue conformément à larticle L. 230-2, lemployeur détermine la nature, la durée et les conditions dexposition des travailleurs pour toute activité susceptible de présenter un risque dexposition à des agents biologiques ; voir les points 2, 3, 4 de larticle R. 231-62 relatifs aux modalités de lévaluation des risque, larticle R. 231-62-3 portant sur la consigne de sécurité établie à lintention des travailleurs et larticle R. 231-63-1 sur les informations relatives à lévaluation des risques tenues à disposition dacteurs internes et externes à lentreprise. | Les résultats de lanalyse des risques chimiques sont intégrés dans le document unique. |
ANNEXE II
DONNÉES CONTRIBUANT À LÉVALUATION DES RISQUES PROFESSIONNELS
(LISTE INDICATIVE)
La réglementation du travail prévoit lexistence de plusieurs supports qui contiennent des données relatives à lévaluation des risques et qui peuvent, de ce fait, contribuer à lélaboration du document unique par lemployeur. Il sagit de :
- lanalyse des risques réalisée par les institutions représentatives du personnel (article L. 236-2) : le comité dhygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) procède à lanalyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les salariés. Cela résulte du second alinéa de larticle L. 236-2. Dans le même sens, les délégués du personnel, investis des missions des CHSCT, peuvent procéder également à lanalyse des risques, conformément aux alinéas deux et quatre de larticle L. 236-1 (voir point 2.4 de la circulaire sur le lien établi entre le document unique établi par lemployeur et lanalyse des risques effectuée par linstitution représentative du personnel) ;
- la fiche dentreprise établie par le médecin du travail (article R. 241-41) : cela sinscrit dans le cadre de sa mission de conseiller de lemployeur et des travailleurs, de leurs représentants et des services sociaux, notamment en matière de protection des salariés contre lensemble des nuisances, et contre les risques daccidents du travail, ou dutilisation des produits dangereux. Dans les entreprises de plus de 10 salariés, la fiche dentreprise que le médecin du travail est chargé détablir et de mettre à jour, au regard de larticle R. 241-41-3, peut contribuer à lévaluation des risques pratiquée par lemployeur, pour ce qui concerne sa dimension médicale. Comme le prévoit cette disposition, la fiche dentreprise, qui doit être transmise à lemployeur, consigne notamment les risques professionnels et les effectifs de salariés exposés à ces risques ;
- la surveillance médicale particulière assurée par le médecin du travail (article R. 241-50) : le médecin du travail a aussi pour mission dexercer une surveillance médicale particulière auprès des salariés affectés à certains travaux comportant des exigences ou des risques spéciaux déterminés par arrêtés ministériels ;
- la déclaration à la caisse primaire dassurance-maladie (article L. 461-4 du code de la sécurité sociale) : elle doit être effectuée par lemployeur lorsque ce dernier utilise des procédés de travail susceptibles de provoquer des maladies professionnelles ;
- la liste des postes de travail présentant des risques particuliers (article L. 231-3-1 du code du travail) : elle concerne les risques portant sur la santé ou la sécurité des salariés sous contrat de travail à durée déterminée et des salariés sous contrat de travail temporaire qui doivent être relevés par lemployeur, après avis du médecin du travail et du CHSCT ou, à défaut, des délégués du personnel ;
- les fiches de données de sécurité concernant les produits chimiques (article R. 231-53) : elles doivent être communiquées à lemployeur par les fabricants, importateurs ou vendeurs de tels produits. Ces fiches sont ensuite transmises par lemployeur au médecin du travail ;
- lévaluation des risques lors de la conception de machines neuves ou considérés comme neuves (article R. 233-84 (annexe I, 1.1.2.,
b)
) : le concepteur effectue une analyse des risques en vue de rechercher tous ceux qui sont susceptibles de concerner la machine ou le composant de sécurité. Lorsque des risques résiduels continuent à exister malgré toutes les dispositions intégrées à la machine elle-même ou lorsquil sagit de risques potentiels non évidents, des avertissements doivent être prévus (annexe I, 1.7.2.).